Le 13 juillet, 2022, Think Tank Haïti, une initiative collaborative de l’Inter-American Dialogue et de l'Université Quisqueya en Haïti, a organisé un webinaire autor du thême l'aide internationale en Haïti. Jacky Lumarque, recteur de l'Université Quisqueya, a donné ses observations préliminaires, exprimant sa sympathie pour les participant(e)s haïtien(ne)s, tant en Haïti qu'à l'étranger, se référant aux événements récents au pays. Daniel Dorsainvil, ancien ministre de l'Économie et des Finances d'Haïti de 2006 à 2009, a présenté son article, “ A Study on Where International Aid May Have Failed: The Case of Haiti ” (“ Une étude sur les endroits où l'aide internationale a peut-être échoué : le cas d'Haïti. ” en français). Un panel composé de Michaëlle Jean, l’ancienne gouverneure générale du Canada, Pierre-Marie Boisson, président du conseil d'administration de SOGESOL, et Jake Johnston, chercheur principal associé au Centre de recherche économique et politique (CEPR), a analysé les conclusions de l'article. Georges Fauriol, associé principal au Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), a animé les discussions.
Lumarque a expliqué que ce webinaire est le premier d'une série de trois webinaires que l'Université Quisqueya et l’Inter-American Dialogue organisent au sujet de l'aide internationale en Haïti. Lumarque a noté que pendant des décennies, les entreprises privées, les organisations internationales de développement et les gouvernements ont tous visé à développer Haïti à travers diverses formes d'aide internationale. Malgré ce soutien, les résultats ne satisfaient ni les espérances de donateurs internationaux ni celles des Haïtiens.
Dorsainvil a présenté les principales conclusions de son étude qui visaient à répondre à trois questions centrales : Pourquoi les efforts des banques multilatérales et des gouvernements donateurs n’avaient pas vu de succès en Haïti ? Pour améliorer les résultats, quels changements sont nécessaires dans la conception et la mise en œuvre des programmes et projets d'aide ? Que peut-on apprendre de l'expérience d'autres nations et des meilleures pratiques internationales ?
La comparaison de Dorsainvil qui relie le cas d'Haïti à ceux d’une sélection de pays les moins avancés (PMA) montre qu'Haïti a toujours reçu plus d'aide internationale sous la forme d'aide humanitaire par rapport à l'aide axée sur le développement que ses homologues. Dorsainvil a qualifié ce phénomène de “ piège humanitaire. ” Dorsainvil a conclu par constater que l'ampleur des programmes d'aide vers Haïti a été insuffisant par rapport aux ambitions des donateurs. L'absence des objectifs économiques clairement énoncés et quantifiables avec des stratégies bien formulées, une coordination insuffisante entre les intervenants, et le piège humanitaire sont les principales raisons de l'échec de l'aide internationale en Haïti.
Dans la discussion qui a suivi, Fauriol est revenu sur une des préoccupations de Dorsainvil - notamment le fait que les ONG gèrent une grande partie des flux d'assistance à Haïti, en particulier dans le secteur social. Il semble que leurs efforts n'aient pas l'impact attendu sur les résultats économiques globaux. Ceci semble indiquer une déconnexion entre le volume de l'aide et l'échelle des projets des ONG. Dorsainvil a souligné cette déconnexion en rappelant qu'il y a au moins 160 ONG opérant en Haïti et qui gèrent environ 32 pourcent des programmes d'aide. Ils travaillent en particulier dans les secteurs de l'aide humanitaire, de la santé et de l'éducation - mais qui sont beaucoup moins investis dans les secteurs productifs.
Michaëlle Jean a commenté sur le chaînon manquant entre la coopération internationale en Haïti et les forces productives haïtiennes, principalement les agriculteurs. Selon Jean, l'étude de Dorsainvil souligne le fait bien connu qu'il est essentiel que l’on inclue les communautés agricoles et rurales dans toute stratégie de développement ou plan économique. Sans eux, leurs expériences riches sont absentes de la conversation.
Pierre-Marie Boisson a constaté aussi les effets de cette exclusion mentionnée par Jean. Ensuite, il a signalé l'exclusion d'un groupe additionnel du processus : les investisseurs – petits, moyens et grands. Il a ajouté que la principale conclusion du document de Dorsainvil est que l'aide internationale peut produire de la croissance si l'échelle est suffisamment grande. Cependant, d'après sa propre expérience, il a constaté que la croissance résulte généralement de l'adoption d'un ensemble de politiques publiques cohérent qui créent et permettent un environnement propice à l'investissement privé et à la création d'emplois.
Jake Johnston a mis l’accent sur l'aide internationale des États-Unis et a fait référence à la page Web de l'USAID. Il a rappelé au panel que les donateurs fournissent l’aide pour faire progresser leur propre sécurité nationale et leur prospérité économique. Il a noté: “ Peut-être que l'aide internationale ne fonctionne pas bien pour Haïti et les Haïtiens, mais elle fonctionne bien pour presque tout le monde à Washington. ” Depuis 2010, l'USAID a accordé 2,8 milliards de dollars en contrats et subventions, dont seulement trois pourcent sont dirigés à des organisations et des entreprises en Haïti.
Le webinaire s'est terminé avec des aperçus des panélistes au sujet de certaines questions clés posées par le public, notamment comment travailler avec un gouvernement peu fiable et souvent illégitime en Haïti, et comment briser le cycle de l'aide humanitaire à court terme en essayant de résoudre les problèmes structurels au longue-terme.
Comme l'a noté Lumarque dans son allocution d'ouverture, Fauriol a terminer le webinaire par rappeler au publique que ce webinaire est le premier d'une série de trois que l'Université Quisqueya et l’Inter-American Dialogue organisent au sujet de l'aide internationale en Haïti.
De plus, une fois finalisée, l'étude de Daniel Dorsainvil sera publiée en français et anglais.
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